Texte : Index Astartes III (merci à Luridius)
Lorsque les Primarques nouveau-nés furent éparpillés à travers la galaxie, l’un d’entre eux se retrouva dans une lande lugubre jonchée de cadavres en décomposition et dévastée par une gigantesque bataille qui y avait eu lieu. La planète en question était Barbarus, perpétuellement recouverte de vapeurs empoisonnées, et dont les montagnes escarpées étaient le fief de puissants seigneurs de guerre avides de carnage. La populace, quant à elle, parquée depuis des millénaires dans les vallées sous une chape de brumes étouffantes, vivait une existence de terreur, tirant le jour sa maigre subsistance du sol infertile sous un soleil dont les rayons ne parvenaient pas à traverser les brouillards ; et terrorisée la nuit par les choses affreuses qui hantaient les collines avoisinantes. Le plus puissant des seigneurs de guerre se tenait au milieu du champ de bataille, contemplant sa victoire lorsque le silence macabre fut brisé par les cris d’un bébé. La légende raconte qu’il dut traverser une mer de cadavres dans son armure de combat, guidé par les pleurs de l’enfant, et que cela lui prit un jour et une nuit pour le trouver enfin. Il faillit mettre un terme à sa vie, mais il se ravisa en considérant qu’aucun homme ordinaire n’aurait pu respirer les miasmes empoisonnés des hauteurs de Barbarus, et encore moins un enfant. Il contempla un long moment la créature qui avait l’apparence d’un nouveau-né mais était sans aucun doute bien plus, puis la prit dans ses bras et l’emmena avec lui, réalisant alors qu’il venait de se trouver à la fois un fils et un héritier. Il baptisa l’enfant né dans un champ de cadavres Mortarion : le fils de la mort. Le seigneur de guerre entreprit alors de tester les limites de l’enfant et lorsqu’il eut déterminé jusqu’à quelle altitude Mortarion pouvait survivre parmi les nuages toujours plus nocifs des hauteurs de Barbarus, il y érigea une barrière de pierre et de métal noir. Il déplaça ensuite sa propre demeure au-delà de cette limite vers les plus hauts sommets, là où l’atmosphère était quasiment mortelle même pour l’enfant Primarque. C’est là que grandit difficilement Mortarion, dans un monde délimité par une frontière de métal, clairsemé de citadelles de pierre grise, et où l’on respirait la mort, le soleil n’étant jamais davantage qu’une tâche distante. C’était un monde constamment en guerre sur lequel s’affrontaient les seigneurs de guerre et leurs armées de golems, reconstruits de toutes pièces par les Façonneurs tourmentés à l’aide des cadavres des morts sans cesse recyclés. Pour survivre, Mortarion apprit avec un appétit vorace tout ce que son maître put lui enseigner. Il assimila tout : des doctrines de combat aux secrets arcaniques en passant par le subterfuge et le stratagème. Il apprit et il grandit, façonné par son triste environnement, mais il n’en était pas moins un des enfants de l’Empereur, résistant au-delà des limites humaines et surnaturellement fort en dépit du manque de lumière et de nourriture. Mortarion possédait également une intelligence remarquable et posait souvent des questions auxquelles son maître ne souhaitait pas répondre. Ces questions portèrent de plus en plus souvent sur les choses fragiles qui vivaient plus bas dans les vallées et parmi lesquelles les guerriers piochaient pour se procurer des corps à ranimer. Son maître tint autant qu’il le put Mortarion à l’écart des populations humaines, mais ce faisant il nourrit la curiosité et l’obsession du Primarque, et le jour ne tarda pas où ce dernier alla par lui-même chercher la vérité. Mortarion s’enfuit de la citadelle et la dernière chose qu’il entendit fut la voix du seigneur de guerre qui le maudissait pour sa trahison et l’avertissait que seule la mort l’attendrait à son retour. La descente au travers des brumes fut une révélation pour Mortarion lorsque ses poumons se remplirent pour la première fois d’air pur. Il découvrit l’odeur inconnue de la nourriture en train de cuire et des récoltes fraîchement moissonnées. Il perçut des voix qui n’étaient pas étouffées par l’épaisseur des brouillards et surtout, ce fut une révélation lorsqu’il entendit des éclats de rire. Le jeune Primarque réalisa alors qu’il venait de rejoindre les siens : ceux que les seigneurs de guerre appelaient leurs « proies fragiles » étaient son propre peuple. Furieux, il décida de rendre justice aux habitants des vallées en les protégeant des sombres puissances qui oeuvraient dans les hauteurs. L’acceptation de Mortarion par le peuple de Barbarus ne fut pas évidente. Bien qu’il se sentait comme eux à bien des égards, à leurs yeux il n’était pas différent des autres monstres des montagnes : dépassant largement en taille même les plus grands, le teint cadavérique et pâle, les yeux cernés, Mortarion terrifiait la plupart des gens des plaines qui le regardaient avec crainte et suspicion. Ces comportements le blessèrent profondément, mais il savait que l’opportunité de gagner leur confiance et leur respect ne tarderait pas à venir, il mit donc sa force herculéenne à leur service et aida à travailler les champs peu productifs des vallées de Barbarus. Lorsque vint l’heure de prouver sa vraie valeur, il était fin prêt. De l’obscurité émergèrent des formes sombres qui se déplaçaient d’un pas traînant. Silencieuses, dotés d’une force surnaturelle, elles étaient venues capturer ceux qui allaient servir les macabres desseins de leur maître. Les paysans, armés de torches et de fourches, se défendirent avec l’énergie du désespoir. A part s’enfuir à toutes jambes, c’était là tout ce qu’ils pouvaient opposer à leurs assaillants, scène futile dont ils avaient pris l’habitude et dont ils connaissaient l’inévitable conclusion. Mais Mortarion était cette fois à leurs côtés et, armé d’une énorme faux à deux mains, il chargea les rangs ennemis en déversant sur eux toute sa haine puis les chassa du village. Tandis qu’il s’approchait de leur maître, ce dernier lui rit au nez et se retira vers les hauteurs empoisonnées où cet humain rebelle ne pouvait le suivre. Lorsque Mortarion, habitué aux gaz nocifs, se jeta en avant et lui trancha la tête, le seigneur de guerre avait encore son sourire moqueur sur les lèvres. A l’issue de ces évènements, les humains des plaines ne doutèrent plus du Primarque. Mortarion enseigna aux habitants de Barbarus tout ce qu’il savait sur l’art de la guerre. Les récits de ses courageux exploits se répandirent et beaucoup firent le voyage, aussi périlleux soit-il, pour profiter de ses sages conseils. Petit à petit, les villages devinrent des places-fortes, et les villageois de défenseurs plus efficaces. Il arrivait que Mortarion chemine d’un lieu à l’autre, dispensant ses conseils, aidant à la construction et, lorsque l’occasion se présentait, repoussait les agresseurs. Néanmoins, il lui restait impossible d’accomplir son ultime vengeance, car les créatures des ténèbres se repliaient toujours à l’abri des montagnes aux vapeurs nocives. Son peuple ne pouvait les poursuivre et il lui fallait remédier à cela. Mortarion recruta les membres les plus robustes et résistants de la population de Barbarus. Il les répartit en unités qu’il forma lui-même non seulement à la défense mais également à l’attaque. Il encouragea les forgerons à construire des armes lorsqu’ils en avaient le temps, et les artisans à fabriquer des armures. Enfin, entouré des esprits les plus savants de la population, il réfléchit au problème de l’air empoisonné. Le Cataphracte de la Mort, une monographie de l’Inquisiteur Mendikoff, relate la suite des évènements aujourd’hui célèbres. Lorsqu’un autre seigneur de guerre vint prélever son tribut parmi la population de Barbarus, les villageois se défendirent avec fougue et parvinrent finalement à repousser les légions d’affreux golems. Dans le même temps, Mortarion et ses guerriers, revêtus de respirateurs archaïques, les poursuivirent dans leur retraite à travers les brumes. Pour la première fois de mémoire d’homme, les proies apportaient la mort au royaume de la mort, tuant le seigneur de guerre et massacrant son armée. Mortarion ne cessa d’améliorer les systèmes respiratoires de ses guerriers qui furent bientôt surnommés la Death Guard. Ces derniers lancèrent des raids toujours plus haut au cœur des territoires des forces de l’ombre, là où l’air était de plus en plus toxique. Cette exposition répétée accrut leur résistance, d’autant que ce trait se transmit de génération en génération. Bientôt, seuls les pics les plus toxiques restèrent hors d’atteinte de Mortarion et de sa Death Guard, de sorte qu’à l’issue de nombreuses batailles, il n’y avait plus qu’une citadelle encore debout, et Mortarion la connaissait bien. L’air était pourtant si vicié en ces lieux que même lui fut obliger de renoncer et, lorsqu’il fut de retour dans la vallée, il constata que les évènements avaient pris une tournure qui échappait à son contrôle. Tout le village était en effervescence, chacun ne parlait que de l’arrivée d’un étranger bienfaisant qui promettait le salut. Cette nouvelle déplut au Primarque qui avait œuvré toute sa vie pour délivrer son peuple et se trouvait à présent spolié de ses droits par un inconnu. Il est dit que Mortarion fit voler les massives portes du hall en éclats lorsqu’il rentra dans la salle du banquet. Là, il trouva parmi les étrangers un personnage totalement à l’opposé de ce qu’il était : son teint pâle et sa silhouette maigre contrastaient avec la carrure robuste, le teint bronzé et la beauté immaculée de l’étranger. Les gens saluèrent son arrivée, d’autant qu’à leurs yeux, il semblait évident que le nouveau venu et Mortarion étaient liés, autant que pouvaient l’être un père et son fils. Le Primarque n’en était pas convaincu et accueillit l’étranger avec une hostilité à peine masquée, exacerbée par l’attitude imperturbable de ce dernier. Les étrangers proposaient d’unir le peuple de Barbarus au reste de l’humanité en constante expansion, ce qui leur permettrait de se soustraire définitivement aux persécutions de ceux d’en haut. Voyant qu’on lui ravissait son triomphe, Mortarion se saisit de sa faux et déclara, le cœur rempli de rage, que sa Death Guard et lui n’avaient besoin d’aucune aide pour accomplir leur juste quête. L’étranger souligna alors l’échec de la Death Guard dans sa tentative d’atteindre la dernière citadelle et de débarrasser Barbarus du dernier fléau des montagnes. Il lança son gantelet au Primarque en signe de défi : si Mortarion parvenait à défaire le dernier des seigneurs de guerre, l’étranger se retirerait et laisserait Barbarus à son sort, mais en cas d’échec, son peuple rejoindrait l’Imperium et Mortarion lui jurerait totale fidélité et allégeance. En dépit des protestations de ses hommes, Mortarion prit la direction de la dernière forteresse, le repaire du seigneur de guerre qu’il avait appelé jadis père. Bien qu’il sût au fond de son être que même lui ne pouvait survivre dans les plus hauts sommets de Barbarus, il ne voulut pas le reconnaître et continua son ascension, obnubilé par le conflit imminent avec son ancien maître, et guidé par le désir d’apporter lui-même la justice à son peuple adoptif. |
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Lorsque l’heure fut venue de la confrontation, celle-ci fut impitoyablement courte : Mortarion, dont le masque respiratoire se disloquait sous l’extrême pollution de l’air, atteint à grand-peine la citadelle et lança son défi. La dernière chose qu’il vit lorsqu’il tomba à genoux et que sa vision s’assombrit fut le seigneur de guerre venant à lui accomplir la promesse qu’il lui avait faite des années auparavant. Mais soudain le puissant étranger s’interposa entre eux et mit définitivement fin aux agissements du seigneur de guerre d’un seul coup de son épée brillante. |
Mortarion tint parole et à son réveil, sa Death Guard jura fidélité à l’étranger. Ce n’est qu’alors que l’Empereur révéla au jeune Primarque qu’il était son créateur et qu’il lui confia le commandement de la quatorzième légion de l’Adeptus Astartes. Le Libram Primaris, ou livre des Primarques, raconte de quelle manière Mortarion cultiva l’inflexibilité, l’absence de pitié et la résistance de sa légion qu’il nomma la Death Guard, ainsi que les nombreux succès qu’il remporta. Il ne s’intégra pourtant jamais vraiment à la société impériale, d’un tempérament sombre et sauvage, il était obnubilé par l’anéantissement des ennemis de l’Imperium, et restait étranger à la franche camaraderie qui unissait ses frères, les autres Primarques. |